Les 6 métiers de BRUGEL

6. Promotion des énergies renouvelables

Interview de Régis Lambert


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La mission du service Énergies renouvelables de BRUGEL s’articule autour de trois grands axes : les incitants à la production, l’information sur l’origine de l’électricité verte et l’intégration de l’énergie renouvelable dans le réseau et le marché.

Quelle est la portée actuelle de votre mission ?

Régis Lambert : Pour mener à bien la mission que nous a confié le Gouvernement bruxellois, notre service se charge de l'attribution trimestrielle de certificats verts (CV) et de garanties d’origine (GO). Il assure également la gestion des transactions, le conseil aux porteurs de projets et la certification des installations. Pour rappel, une partie de notre mission originelle a été confiée fin 2018 à SIBELGA. C’est désormais au GRD bruxellois qu’il revient de récolter les données de comptage provenant des producteurs, de les valider et de nous les fournir.

Parc de production

Quelles ont été les tendances au niveau du parc de production en 2019 ?

Régis Lambert : Au niveau du parc de production, le nombre de dossiers qui nous sont parvenus en 2019 a presque doublé par rapport à 2018. Soit 1 300 dossiers introduits en 2019, contre 600 en 2018. Depuis quelques années, nous constatons que ces chiffres sont en augmentation constante. Comparés aux autres régions du pays et aux autres métropoles européennes, le nombre de dossiers traités reste néanmoins intrinsèquement faible. Fin 2019, nos services ont ainsi répertorié quelque 6 000 installations toutes technologies confondues (5 730 installations photovoltaïque et 270 installations de cogénération).

Comment expliquez-vous ce sous-équipement ?

Régis Lambert : Plusieurs facteurs peuvent expliquer le fait que notre capitale est sous équipée en matière d’installations de production d’énergies renouvelables : le parc d’habitations est majoritairement occupé par des locataires, les logements sont pour la plupart des appartements et beaucoup de Bruxellois ne disposent pas des moyens suffisants pour investir dans ce type d’installations. Sans compter que dans le cas d’une copropriété, la gestion des installations s’avère beaucoup plus complexe que pour une habitation unifamiliale : il s’agit en effet de savoir qui investit, qui bénéficie des fruits de l’installation et qui se charge de l’entretien et des pannes.

Quelle a été la situation du parc photovoltaïque en Région de Bruxelles-Capitale ?

En 2019, plus de 22 MWc (mégawatt-crête) de nouvelles puissances ont été installées en Région de Bruxelles-Capitale pour la production d'énergie solaire photovoltaïque. L'ensemble des installations a atteint une puissance cumulée de plus de 112 MWc. Cela représente une progression de 24 % par rapport à 2018 (90,5 MWc) et de 68 % par rapport à 2017 (66,9 MWc). À ce rythme-là, le cap des 140 MWc d'énergie solaire photovoltaïque pourrait être atteint fin 2020 - début 2021.

Activité du marché

Quelle a été l’activité du marché en 2019 ?

Régis Lambert : En 2019, BRUGEL a réalisé les transactions de 620 000 CV (contre 577 000 CV en 2018) pour un montant total de 57,9 millions d’euros. En 2019, le prix moyen simple du CV s’élevait à 94,8 euros. Le montant de ces transactions illustre l’activité du marché durant la période retour quota 2019.

Que penser du retour quota en 2019 ?

Régis Lambert : En 2019, le quota de certificats verts s’est élevé à 9,2 % de toute l’énergie fournie en Région de Bruxelles-Capitale, soit 450 526 CV (contre 432 099 CV en 2018) à rendre par les fournisseurs d’énergie pour le 31 mars 2020. Pour le consommateur final, la contribution au coût du système correspond environ au montant du quota, soit 9,2 % multiplié par le montant de l’amende (100 €) et par le nombre de MWh consommés. Pour un client qui consomme 2 036 kWh (client médian bruxellois), ce coût s’élève dès lors à 18,7 euros par an.

Soutien à la production

Quels mécanismes de soutien ont été proposés en 2019 aux Bruxellois ?

Régis Lambert : En soi, le soutien de la Région de Bruxelles-Capitale à ce type de technologie reste encore très intéressant. C’est même l’un des plus généreux d’Europe. Les prosumers bruxellois, qui ont une installation photovoltaïque d’une puissance inférieure ou égale à 5 kWc, perçoivent en effet 3 certificats verts (CV) par Mwh produit. Et comme un CV équivaut à quasi 100 euros, ils bénéficient de quelque 300 euros par Mwh produit. En 2019, le Gouvernement nous a demandé de revoir en profondeur le calibrage de ce soutien afin qu’il puisse mieux correspondre à la réalité du marché. La ministre nous a ainsi demandé de catégoriser de manière plus fine le soutien octroyé par la RBC.

Quelles conclusions avez-vous tiré ?

Régis Lambert : Pour les installations photovoltaïques, ce soutien est historiquement octroyé en fonction du gabarit de l’installation : en dessous ou au-dessus de 5 kW crêtes. Il nous est apparu qu’il serait plus judicieux d’affiner cette typologie en créant des catégories supplémentaires. Nos services ont effectué une préanalyse rapide qui a débouché sur la proposition d’une nouvelle typologie en 6 catégories.

Suite à cette étude préliminaire, le Gouvernement nous a demandé d’approfondir l’analyse. Notre travail a débouché sur un avis qui a été soumis à consultation publique en septembre 2019. En corollaire, une baisse du soutien actuellement octroyé a également été proposée afin de mieux coller à la réalité du marché. Une proposition en ce sens a été publiée début septembre 2019.

Quelle baisse de soutien avez-vous recommandé ?

Régis Lambert : Tenant compte de la réalité du marché, nous avons suggéré une baisse de soutien allant de - 17% pour la catégorie la plus petite jusqu’à - 42 % pour la plus grande. Ces chiffres tiennent bien entendu compte du fait que depuis 2013, le soutien de la région est resté inchangé et n’a pas tenu compte des évolutions du marché, notamment en matière de coût des installations et des équipements.

Quelles ont été les réactions des parties prenantes du secteur ?

Régis Lambert : Comme plusieurs nouvelles catégories ont été créées, le Conseil d’État n’a pas admis que cette évolution soit proposée via un arrêté ministériel. Suite à ce refus, l’adoption du processus doit être entériné via un arrêté du gouvernement qui est en cours. Son entrée en vigueur est prévue pour juin 2020. La majorité des acteurs du secteur de l’énergie a par contre très bien accueilli ces modifications.

Lors de cette étude, avez-vous eu l’opportunité de revoir en profondeur le système certificat vert (CV) ?

Régis Lambert : En 2019, nous avons missionné la société d’audit PwC pour la réalisation d’une étude qualitative sur le système certificat vert en cours. L’objectif de cette étude était d’analyser sa performance et son efficience. Ce bureau de consultance, qui a effectué un benchmark en confrontant les données d’autres régions européennes, a proposé deux options d’évolution du système. Une solution intra-système qui préserve et améliore l’existant et une solution extra-système qui préconise un changement radical en termes de soutien. Cette étude, qui a été principalement menée en 2019, sera finalisée en 2020. Dans ses conclusions, PwC préconise de ne pas changer de système mais de tenter de l’optimiser. Un basculement vers un autre système entraînerait des complications supplémentaires et des coûts importants.

En matière de CV et de GO, l’incinérateur bruxellois bénéficiait d’un montant forfaitaire quant à l’incinération des déchets organiques en vue de produire de l’électricité verte. La situation a-t-elle évoluée en 2019 ?

Régis Lambert : Courant 2019, nous avons finalisé une analyse concernant le pourcentage organique de l’électricité verte produite par l’incinérateur de Bruxelles. Jusqu’à présent, ce pourcentage était fixé de manière forfaitaire. Au terme de cette enquête, BRUGEL a demandé que cet exercice soit réalisé annuellement afin de déterminer les pourcentages de manière plus précise. Cette nouvelle donne va indubitablement modifier le nombre de certificats verts (CV) et de garanties d’origine (GO) octroyés. L’enjeu de cette étude est des plus importants quand on sait que l’incinérateur perçoit actuellement près d’un quart des CV octroyés par la Région (entre 110.000 et 120.000 CV et GO par an).

Traçabilité de l’électricité consommée (Garanties d’Origine)

Quelles mesures avez-vous prises en 2019 pour garantir la traçabilité des garanties d’origine (GO) ?

Régis Lambert : L’AIB (Association of Issuing Bodies) propose un standard pour les garanties d’origine (GO). Cette norme permet aux 23 membres de s’octroyer, de s’échanger et d’annuler des garanties d’origine de manière fiable et robuste. En 2019, nous avons continué à mettre en place, au sein de l‘AIB, le Change Process (processus de changement) qui optimise la gouvernance et la structure de cette association. Nous avons notamment voulu rendre cette structure compatible avec l’élargissement de la garantie d’origine à d’autres vecteurs énergétiques.

La GO qui concerne uniquement l’énergie électrique sera à terme étendue au biogaz et à d’autres énergies comme la chaleur verte ou l’hydrogène (cf. la nouvelle directive européenne adoptée en 2018). L’AIB a acquis une telle expérience avec les GO électriques qu’il semble évident de lui confier la gestion de ces énergies. Car nous sommes conscients que si les pouvoirs publics n’interviennent pas, le secteur privé va rapidement s’en charger. Pour preuve, des GO gaz ont été lancées par un organisme privé en Flandre.

En 2019, le système qualité de l’AIB a également effectué un audit au sein de BRUGEL. Cet audit nous a permis de mettre le doigt sur les points à améliorer, mais dans l’ensemble, le résultat était plus que satisfaisant. BRUGEL a également accueilli pour la première fois, l’assemblée générale de l’AIB en mars 2019.

Association of Issuing Bodies (AIB)

Chaque année, l’AIB (Association of Issuing Bodies) dresse un bilan des activités des garanties d’origine (GO) sur les 23 membres représentés dans 20 pays (la Belgique étant représentée par 3 membres distincts). Ce rapport contient les informations sur les émissions, les utilisations, les transferts et les expirations des garanties d’origine dans les pays membres de l’association.

Garantie d’origine (GO)

La garantie d’origine (GO) est un outil de traçabilité mis en place au niveau européen visant à fournir au consommateur final des informations utiles sur l’origine (géographique et technologique) de l’électricité consommée et, par ce biais, à promouvoir la consommation d’électricité verte. Les fournisseurs d’énergie ont l’obligation d’acheter des garanties d’origine en quantité équivalente à l’électricité verte qu’ils vendent à travers leurs contrats d’électricité verte.

Intégration des installations des énergies renouvelables

Quid de la fin du principe de compensation sur la partie coût du réseau ?

Régis Lambert : En 2018, BRUGEL avait décidé de reporter la fin de compensation sur les frais du réseau jusqu’à l’entrée en vigueur du MIG6. Dans le même temps, nous avions précisé que nous nous réservions le droit de revoir notre copie si la situation l’exigeait. En 2019, BRUGEL a donc tout logiquement pris la décision de revenir sur sa décision première. Comme le MIG6 était reporté en permanence et que nul ne savait quand il entrerait en service, le CA de BRUGEL a décidé de ne plus lier la fin de la compensation à ce projet. Et en juillet 2019, BRUGEL a validé le fait que cette compensation prendrait fin en janvier 2020.

Comment êtes-vous parvenu à gérer les projets innovants de type communautés d’énergie sans disposer des outils législatifs nécessaires ?

Régis Lambert : En juin 2019, nous avons activé la possibilité donnée à BRUGEL - via l’ordonnance - de déroger aux règles de marché et aux règles tarifaires. L’interprétation volontariste de cet article nous a permis de mettre en place un cadre dérogatoire (regulatory sandbox). Les pays anglo-saxons ont souvent recours à cette procédure pour tester des technologies innovantes, des nouveaux modèles ou des nouveaux business.

Ce cadre dérogatoire nous a permis de déroger, dans des cas bien précis, à certaines règles qui seraient sans cela d’application. Nous avons reçu les premières demandes officielles des porteurs de projet en novembre 2019. Deux projets pilotes d’autoconsommation collective ont ainsi pu voir le jour.

Nous sommes conscients que ce sont des projets de cette envergure qui nous permettront de définir toutes les modalités de fonctionnement que nous devrons inscrire dans notre cadre structurel à l’avenir. Compte tenu des caractéristiques urbanistiques propres à Bruxelles, les projets d’autoconsommation collective et de communauté d’énergie sont essentiels pour le développement des énergies durables et la transition énergétique. Avec ce type de formules, les particuliers qui ne disposent pas de toitures peuvent intégrer un projet commun d’installation de panneaux photovoltaïques.

Comment comptez-vous intégrer ces concepts dans votre cadre structurel ?

Régis Lambert : Dans le cadre structurel à venir, le défi consistera à rédiger un texte qui soit suffisamment simple et lisible. Si ces projets répondent à des besoins évidents, ils apportent également une couche de complexité supplémentaire. Avec la multiplication des interlocuteurs et des possibilités technologiques, la facture d’énergie risque en effet d’être encore plus compliquée à déchiffrer pour le consommateur lambda. C’est un changement de paradigme qui va également demander un gros investissement en termes de communication si l’on veut que ces opportunités dépassent le cercle de quelques initiés. Il faut à ce niveau éviter un clivage entre consommateurs « avertis » ou non.

Gestion interne

Comment s’est déroulé le lancement de votre extranet ?

Régis Lambert : Lancé fin 2018, notre nouvel extranet permet désormais une gestion plus dynamique et plus sécurisée des certificats verts par ses utilisateurs. Les transactions de vente sont effectuées sans passer par de multiples étapes intermédiaires comme c’était le cas précédemment. Nos fournisseurs ont maintenant la possibilité de gérer les garanties d’origine et d’effectuer les annulations de certificats verts directement via notre extranet.

Et comment l’outil a-t-il évolué durant l’année ?

Régis Lambert : En 2019, nous avons véritablement pu tester notre nouveau système élaboré en 2018. Après la mise à disposition d’un volet adressé uniquement aux fournisseurs et traitant des garanties d’origine début 2019, toutes les parties prenantes (fournisseurs, prosumers, etc.) ont pu bénéficier pleinement de cet outil et les retours sont globalement positifs. Depuis, nous avons initié des cycles d’updates récurrents (en mai et en octobre) afin d’améliorer le système et ses fonctionnalités.

Comment estimez-vous la manière dont votre service s’acquitte de ses missions ?

Régis Lambert : Nous avons procédé à une analyse interne pour jauger la qualité d’exécution de nos missions et mettre en relation les tâches à exécuter avec les ressources dont nous disposons. Il s’en est suivi une analyse critique et comparative des besoins face aux ressources dont nous disposons. Nous avons également évalué la réalisation des missions à court, moyen et long termes. Au final, nous avons constaté que nous disposions de trop peu de ressources par rapport aux missions allouées et les tâches à exécuter qui sont en augmentation constante. Ce constat a débouché sur des embauches et sur la mise en œuvre d’un processus de recrutement de deux conseillers énergies renouvelables supplémentaires. L’un dédié au système de soutien et un autre à la traçabilité. Entre novembre 2018 et janvier 2020, l’effectif de notre service est passé de 3 à 7 personnes.




Régis Lambert

responsable Énergies renouvelables au sein de BRUGEL.





Gérer et anticiper les évolutions du marché des énergies renouvelables !