Les 6 métiers de BRUGEL

4. Affaires juridiques

Interview de Karine Sargsyan


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En 2019, le service juridique a de nouveau joué un rôle primordial au sein de BRUGEL, tant dans ses missions spécifiques que dans ses missions plus transversales en appui des autres services et du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.

MARCHÉS DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Quels sont les grands dossiers sur lesquels le service juridique a mené une mission de conseil et d’appui pour le Gouvernement en 2019 ?

Karine Sargsyan : En 2019, le service juridique de BRUGEL s’est investi d’une mission générale de conseil auprès du Gouvernement pour la mise en place de plusieurs projets majeurs : les modalités de fonctionnement de BRUGEL, la transposition du Clean Energy Package européen dans le cadre bruxellois, le rôle du GRD à Bruxelles, le développement des véhicules électriques ...

En quoi a consisté votre travail de réflexion sur les modalités de fonctionnement de BRUGEL ?

Karine Sargsyan : Pour ce premier axe de réflexion, notre service juridique a intensément travaillé sur la définition de nos missions et de nos modalités de fonctionnement. Nous nous sommes également concentrés sur la compréhension de la notion d’indépendance au sein de notre organisation et nous avons contribué à l’évaluation des ressources dont BRUGEL a besoin pour mener à bien ses missions.

Quelle a été la teneur des avis que vous avez transmis à ce propos ?

Karine Sargsyan : Actuellement, BRUGEL est gouvernée par un Conseil d’Administration (CA). Nous recommandons la mise en place d’un partage des responsabilités entre un comité de direction composé de deux directeurs - un directeur général et un adjoint - et le CA. Pour jouer sur la complémentarité des fonctions, le CA pourrait ainsi se focaliser sur les décisions stratégiques et les directeurs sur les aspects plus opérationnels de la mission. Durant l’exercice 2019, nous avons également abordé la thématique de la rémunération des administrateurs au regard du cadre légal général bruxellois applicable en la matière.

Vous avez également évoqué la transposition du Clean Energy Package européen dans le cadre bruxellois. Qu’en est-il ?

Karine Sargsyan : Via le Clean Energy Package, la Commission européenne a adopté plusieurs dispositions légales qui tracent l’avenir du secteur de l’énergie dans tous les État membres.

La transposition de ces textes légaux dans le cadre bruxellois nécessite mûres réflexions. En matière de transition énergétique par exemple, la Commission européenne souhaite en effet placer le consommateur au centre du marché de l’énergie. Elle recommande dès lors qu’il devienne plus proactif et impliqué dans les processus de décision. Les outils pour qu’il puisse le devenir se mettent progressivement en place et concernent entre autres les communautés d’énergie. Ces communautés sont des regroupements de citoyens qui décident de produire de l’énergie ensemble et de partager cette production selon des modalités bien établies.

Ces communautés d’énergie semblent accaparer l’attention de nombreux services au sein de BRUGEL. Comment expliquez-vous cet intérêt ?

Karine Sargsyan : La notion de communauté d’énergie a en effet été l’un des sujets sur lesquels nous avons beaucoup débattu avec l’Administration, le Gouvernement et les acteurs du marché. L’idée étant de pouvoir transposer au mieux les textes européens au niveau bruxellois. Tous les services au sein de BRUGEL sont impactés et il y a fort à parier que le débat est loin d’être clos.

Vous évoquiez également les nouvelles missions du GRD et l’arrivée des véhicules électriques.

Karine Sargsyan : Durant l’année 2019, le Gouvernement et BRUGEL ont tenté de déterminer les nouveaux rôles que le GRD SIBELGA est sensé tenir dans le paysage énergétique bruxellois. Au regard du Clean Energy Package, nous avons redéfini ce qui était encore de son ressort et ce qui ne l’était plus.

Concernant le volet des véhicules électriques, BRUGEL, le Gouvernement bruxellois et d’autres acteurs concernés ont entamé une réflexion pour permettre à la capitale d’atteindre les objectifs énergétiques ambitieux que s’est fixée l’Europe à l’horizon 2050.

Quels sont les dossiers juridiques qui ont marqués l’année 2019 ?

Karine Sargsyan : L’année 2019 a été pour BRUGEL une année d’analyses et d’études internes. Dans ce contexte, nos équipes ont abordé plusieurs thématiques et les résultats de ces réflexions seront rendus publics au cours de l’année 2020.

Dans ce contexte, le régime de licence compte parmi les dossiers qui ont fortement occupé nos équipes. À travers une analyse comparative des régimes existants dans d’autres États européens, dont la Grande-Bretagne qui est un pays particulièrement libéralisé, nous avons relevé que le régime des licences était essentiel pour réguler le marché. Nous avons également démontré que ce régime ne pouvait être pleinement opérationnel qu’à travers des critères pertinents et de qualités.

Forts de ce constat, nous avons mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir sur la teneur des meilleurs critères pour l’octroi d’une licence, sur la mise à disposition d’outils de guidance à l’attention des fournisseurs et sur les modalités de suivi de ces mêmes fournisseurs.

De quelles autres thématiques juridiques avez-vous débattu en 2019 ?

Karine Sargsyan : Le dossier concernant les consommations frauduleuses ou sans contrat a retenu toute notre attention en 2019. Dans ce contexte, nos équipes ont réalisé un ambitieux travail d’analyse jurisprudentielle des décisions rendues à Bruxelles sur la thématique. Nous avons constaté qu’en fonction du juge, les affaires étaient traitées différemment pour le même fait. Comme les règles qui régissent les consommations frauduleuses sans contrat ne sont pas toujours très claires, les décisions dépendent trop souvent d’une interprétation du magistrat. Dans ce domaine, les points de disfonctionnement sont énormes et BRUGEL souhaiterait pouvoir rationnaliser le régime à travers la révision du règlement technique et rendre plus limpides les droits et devoirs des opérateurs et des consommateurs.

Qu’en est-il du contrôle des conditions générales des fournisseurs ?

Karine Sargsyan : Fin 2018, BRUGEL avait obtenu la compétence du contrôle des conditions générales des fournisseurs. Si cette compétence n’a pas encore été activée, elle a déjà donné lieu à une profonde réflexion en 2019. Dans ce domaine, BRUGEL a opté pour une approche didactique en réalisant un cahier pédagogique sur les obligations de service public des fournisseurs. BRUGEL pourrait mettre à disposition des fournisseurs des outils leur permettant de se conformer au cadre bruxellois avant d’entamer la procédure de contrôle effective.

Et quid de la révision des règlements techniques ?

Karine Sargsyan : Compte tenu de l’évolution rapide du marché, il nous a paru essentiel de travailler à la révision des règlements techniques. Cette révision a donné lieu à un travail de grande ampleur de par le nombre grandissant de nouveaux services, l’entrée en vigueur du code des réseaux européens et le Clean Energy Package.

Lors de cette analyse, nous avons eu la confirmation que la transformation du secteur de l’énergie devait impérativement être accompagnée par un règlement technique moderne. À cette fin, le GRD bruxellois va modifier son approche pour endosser un nouveau rôle de facilitateur au sein de ce marché, avec un focus tout particulier sur les impératifs de la transition énergétique. Rappelons que BRUGEL détient un pouvoir d’approbation de ces règlements techniques, et que cette prérogative sera utilisée à bon escient. Pour finaliser la modernisation de cet outil, BRUGEL a dans cet esprit tracé une feuille de route qui s’étend sur trois ans.

Le marché de l’énergie à Bruxelles est considéré comme tendu par les fournisseurs d’énergie. Et certains rivalisent d’imagination pour opérer des sélections parmi leurs clients mauvais payeurs … Quelle parade proposez-vous pour contrer ces pratiques ?

Karine Sargsyan : Nous avons analysé toutes les pratiques que déploient les fournisseurs du marché pour sélectionner et écarter certains profils de clients. Cette procédure consiste en fait à trier - en usant de moyens qui peuvent s’avérer contestables - tous les clients potentiels qui présentent des risques de non-paiement. Durant l’année 2019, BRUGEL a engagé des discussions avec certains fournisseurs concernant ces pratiques douteuses. Via ces actions, BRUGEL a clairement annoncé qu’elle veillait activement au respect des pratiques et de l’ordonnance.

En 2019, BRUGEL a réalisé une étude sur la bonne application du régime d’indemnisation. Quelles conclusions tirez-vous de cette étude ?

Karine Sargsyan : Dans l’ordonnance bruxelloise, il est en effet notifié que dans certains cas, notamment quand une coupure d’électricité dure plus de 6 heures, le GRD a l’obligation d’indemniser tous les clients qui ont été impactés par cette coupure. En 2019, BRUGEL a réalisé une étude sur la bonne application de ce régime d’indemnisation.

Dans les données de SIBELGA de 2018 (disponibles en 2019), nous avons ainsi constaté que les indemnisations octroyées par le GRD à ses clients pour des coupures de plus de 6 heures s’élevaient à environ 30 000 euros. Au regard des chiffres disponibles relatifs aux coupures et dans le cas où tous les consommateurs impactés avaient porté plainte, ce montant aurait dû atteindre les 264 000 euros. Seul 15% des consommateurs ont donc activé leurs droits en 2019. Au vu de cette enquête, nous avons rappelé ses devoirs au GRD. Pour le raccordement des installations de gaz et des maisons unifamiliales, la situation s’est révélée encore plus problématique. Les retards avaient impacté 70% à 75% des raccordements programmés et aucun consommateur n’a été indemnisé. Du côté des fournisseurs, nous avons également constaté que peu ou aucune indemnisation n’avait été octroyée malgré certaines pratiques douteuses identifiées. Comme nous avons jugé ce régime peu effectif en l’état, nous avons mené un travail proactif pour tenter de corriger la situation.

Nous avons dès lors interpellé le GRD pour qu’il puisse être plus précis et faire un effort de communication quant à ses obligations d’indemnisation. Nous lui avons également demandé, le cas échéant, de motiver plus clairement les refus d’indemnisation.

A l’issue de cette enquête, nous sommes arrivés à la conclusion que dans certains cas, l’indemnisation devait être automatisée (comme aux Pays-Bas ou en France), sans qu’il y ait nécessairement de demande de la part du consommateur. Nous allons proposer cette vision dans notre prochain avis sur la modification de l’ordonnance et demandé une mise en application de cet article endéans les 2 à 3 ans.

Quid de la procédure de fournisseur de secours ?

Karine Sargsyan : Depuis quelques années, BRUGEL et les autres régulateurs du pays tentent de mettre en œuvre une procédure efficace pour gérer une faillite ou une défaillance d’un fournisseur d’énergie. En 2019, de nouveaux cas de faillite de fournisseurs nous ont permis de fourbir les procédures établies pour gérer ces défaillances. Un avis que nous avons rédigé avec l’ensemble des autres régulateurs est actuellement en consultation publique. L’objectif principal de cet avis est que le réseau ne soit pas perturbé pour cause de défaillance d’un fournisseur et surtout que les consommateurs ne soient pas impactés. Nous soutenons l’hypothèse que le GRD devrait avoir un rôle pleinement actif dans la gestion d’une faillite éventuelle.

Quelles ont été vos missions d’appui aux autres services ?

Karine Sargsyan : La transposition du Clean Energy Package ne s’est pas uniquement limitée à des conseils adressés au Gouvernement ou dans de simples avis concernant l’ordonnance bruxelloise. Compte tenu de sa dimension transversale, cette thématique a impacté de nombreux dossiers traités par BRUGEL. Pour le plan d’investissement par exemple, nous avons travaillé activement avec le service Marché et Réseau qui coordonne les avis émis sur le sujet. Nous avons notamment analysé la compatibilité de l’activité de production de SIBELGA au regard du droit européen et proposé un avis sur ses missions de service public.

Nous avons également collaboré avec le service tarifaire en veillant à motiver les aspects non discriminatoires des décisions. Pour ce dossier, nous avons tenu compte de toutes les contingences de la législation européenne afin d’analyser la manière dont l’UE intègre les mesures tarifaires et quelles sont les lignes à respecter.

En 2019, nous avons enfin collaboré avec le service des Énergie Renouvelable. Dans ce contexte, BRUGEL a reçu la compétence de déroger aux règles du marché tarifaire pour tout ce qui concerne les projets innovants. Avec ce service, nous avons dès lors travaillé sur la définition du cadre de « projet innovant ». Nous avons notamment conclu que cette définition pouvait par exemple englober la notion de communautés d’énergie. Nous avons ainsi aidé à la mise en place d’une « regulatory sandbox » qui permet désormais de faciliter l’octroi d’autorisations pour les porteurs de projets innovants.

Quelles suites avez-vous donné au règlement général des données privées (RGPD)

Karine Sargsyan : En 2018, le service juridique de BRUGEL avait piloté l’entrée en vigueur du règlement général des données privées. Durant l’année 2019, notre service a déployé de grands moyens pour se conformer à ce règlement. Nous avons notamment travaillé sur un registre de classement qui spécifie la manière dont les données dont nous disposons sont traitées. Nous avons également désigné un DPO (Data Protection Officer) et un CSO (Chief Security Officer) et initié d’autres travaux complémentaires. La mise en conformité de ce vaste dossier deviendra effective en 2020.

SECTEUR DE L’EAU

Pour le secteur de l’eau, le service juridique de BRUGEL s’est chargé en 2019 de plusieurs missions d’accompagnement concernant les modalités pratiques de fonctionnement et la mise en place d’un service de médiation.

Quel a été l’apport de votre service dans le traitement des dossiers concernant le secteur de l’eau en 2019 ?

Karine Sargsyan : Durant l’année 2018, BRUGEL a bénéficié de la compétence tarifaire du secteur de l’eau et d’approbation des conditions générales. Cette compétence nous permet désormais de superviser les modalités de fixation du prix de l’eau ainsi que les conditions générales de vente de VIVAQUA. Via cette double mission, BRUGEL a ainsi la capacité d’intervenir sur les règles qui lient VIVAQUA à l’ensemble des usagers de l’eau (comptage, règles de facturation, modalités de raccordement, etc.).

En 2019, BRUGEL a de nouveau initié des ateliers thématiques avec les collaborateurs de VIVAQUA afin de réfléchir à toutes les modalités pratiques de fonctionnement. Comme VIVAQUA est en passe de digitaliser sa gestion courante via un nouveau système SAP, ces différents chantiers ont permis de clarifier certaines approches. Néanmoins, BRUGEL a adressé des courriers officiels à VIVAQUA en insistant sur la nécessité d’avancer sur l’adoption des conditions générales et de coordonner ces deux chantiers. BRUGEL considère que le retard pris dans l’élaboration des conditions générales est problématique, et ce à plusieurs égards. En effet, les conditions générales actuelles sont lacunaires et ne correspondent plus vraiment à la pratique. Elles doivent donc être modifiées. Nous constatons également que l’usager de l’eau n’est pas suffisamment protégé. Ainsi, dans le domaine de la facturation, les conditions générales actuelles ne prévoient rien ou peu de mesures concernant, par exemple, le contenu de la facture, la périodicité de la facture et les droits des usagers sur le choix de cette périodicité. Les dispositifs d’aide au paiement de la facture par l’usager ou l’existence du Service des plaintes au sein de Vivaqua et du Service de médiation de l’eau au sein de BRUGEL ne sont pas non plus très clairs.

Notons que dans ce dossier, BRUGEL ne dispose que d’une compétence d’approbation et que les initiatives concernant les conditions générales dépendent en principe de VIVAQUA. Afin d’optimiser la protection des usagers, BRUGEL s’emploie cependant à prendre toutes les mesures possibles pour avancer dans ce dossier.

En 2018, le régulateur bruxellois a été chargé de mettre en place un service de médiation pour le secteur de l’eau. Quelle suite avez-vous donné à ce dossier en 2019 ?

Karine Sargsyan : Via l’ordonnance bruxelloise, BRUGEL a en effet été chargée d’une mission de médiation pour le secteur de l’eau. En 2019, notre service juridique a œuvré à la mise en place de ce service qui est devenu opérationnel le 1er janvier 2020. Lors de ce chantier, nous avons à nouveau notifié auprès du Gouvernement que nous estimions qu’il ne revenait pas à un régulateur d’assurer un service de médiation. Comme pour le secteur de l’énergie, nous sommes convaincus que notre mission concerne prioritairement le traitement de litiges et la prise de mesures contraignantes. D’autant qu’en 2019, la Région de Bruxelles-Capitale a pris l’initiative de créer un service régional de médiation. S’il n’est pas encore opérationnel, il ne va pas tarder à le devenir et pourra prendre en charge tous les aspects « médiation » liés au secteur de l’eau. Mais comme l’ordonnance n’a pas été modifiée en ce sens en 2019, nous nous sommes conformés au droit en privilégiant une approche relativement minimaliste. Pour notre nouveau service médiation, nous avons mis en place un ensemble de procédures et développé un outil informatique qui nous permet d’assurer le suivi des médiations.



Karine Sargsyan

responsable du service juridique au sein de BRUGEL





À l’écoute des secteurs de l’énergie et de l’eau




L’année 2019 a été pour BRUGEL une année d’analyses et d’études internes. Dans ce contexte, nos équipes ont abordé plusieurs thématiques et les résultats de ces réflexions seront rendus publics au cours de l’année 2020.




Afin d’optimiser la protection des usagers, BRUGEL s’emploie à prendre toutes les mesures possibles pour avancer dans ce dossier.