« Une année inscrite sous le signe de l’innovation !   »

Interview croisée de Pascal Misselyn, Coordinateur de BRUGEL, et d’Éric Mannès, Président ad interim de BRUGEL et Administrateur pour le secteur de l’eau.


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Quels ont été les faits marquants en 2019 ?

Pascal Misselyn : Le grand fait marquant de cette année 2019 est l’adoption par l’Union européenne du Clean Energy Package. Cet outil est un moteur de dynamisme pour le secteur de l’électricité, et dans une moindre mesure du gaz. Il donne l’orientation générale de toute la politique énergétique de l’Union européenne, et donc de celle de la Région de Bruxelles-Capitale.

Éric Mannes : Pour BRUGEL, qui se positionne comme un acteur important pour le secteur de l’énergie bruxellois, ce Clean Energy Package va donner une véritable impulsion à la transition énergétique. Notre Conseil d’Administration se montre dès lors particulièrement attentif à son application sur le terrain. Dans cet esprit, nous sommes très motivés pour soutenir nos équipes.

Pascal Misselyn : Parmi les faits qui ont marqué l’année 2019, il est important de souligner le lancement d’une « sandbox » qui permet aux porteurs de projets de lancer des initiatives créatives en faveur du développement de la transition énergétique. Si BRUGEL n’a pas reçu beaucoup de projets concrets en 2019, nos équipes sont conscientes qu’un tel outil va s’avérer très utile dans le futur.

L’année 2019 a aussi été marquée par de gros chantiers comme les méthodologies tarifaires pour l’électricité et le gaz qui ont débouché sur de nouveaux tarifs pour la période 2020-2024. Nous avons également noté un véritable bond en avant au niveau des énergies renouvelables et notamment du photovoltaïque ainsi que les premiers projets pilotes en matière de « Smart metering ».

Éric Mannes : Pour le secteur de l’eau, BRUGEL a initié un dialogue très constructif sous forme d’ateliers avec VIVAQUA et la SBGE. Comme le secteur de l’eau est assez ancien et n’a pas été libéralisé, il n’a pas encore bénéficié du même « coup de fouet » que celui de l’énergie. C’est parce que la Région de Bruxelles-Capitale est devenue compétente pour la fixation des tarifs de l’eau (suite à la sixième réforme de l’État) que le secteur est sorti de sa torpeur. Le Gouvernement bruxellois a en effet souhaité que ce soit un organe indépendant qui décide des tarifs de l’eau. BRUGEL a donc été désigné pour les fixer. Pour accomplir sa mission, BRUGEL a dû analyser en détail le secteur et propose désormais une vision très constructive des missions confiées aux deux opérateurs. BRUGEL a dans cet esprit mis en place des systèmes de régulation Cost + qui ont permis à tous les acteurs du secteur d’améliorer leurs pratiques.

La stabilité des prix de l’énergie a-t-elle été maintenue en 2019 ?

Pascal Misselyn : En matière de prix, il importe de distinguer en tant que régulateur la partie régulée et la partie non régulée. Pour la partie régulée, BRUGEL a œuvré à la stabilité des méthodologies tarifaires qui limitent fortement les augmentations et favorisent même les diminutions pour le gaz. Pour la partie non régulée, le secteur a bénéficié d’un effet d’aubaine internationale puisque les prix des matières premières sont plutôt en diminution.

Si 2018 avait vu les prix augmenter constamment, 2019 les a vu diminuer. Cette situation a permis à un citoyen lambda européen d’économiser plus ou moins 75 euros/an sur sa facture d’électricité et 150 euros/an sur sa facture de gaz. Ces économies pourraient encore s’avérer plus substantielles si tous les consommateurs prenaient la peine de challenger les prix sur le comparateur BruSim mis à leur disposition par BRUGEL.

Éric Mannes : A ce propos, nous constatons que BRUGEL manque de visibilité auprès du grand public et toutes les plus-values que le régulateur pourrait apporter aux Bruxellois sont encore trop méconnues. Le comparateur mis à la disposition du grand public par BRUGEL devrait ainsi pouvoir être utilisé plus souvent.

Que penser de la précarité énergétique en Région de Bruxelles-Capitale ?

Pascal Misselyn : Malheureusement pas grand-chose a changé. Nous pouvons espérer que grâce à la diminution des prix en 2019, moins de ménages ont dû faire face à des factures difficiles à payer. Globalement, la pauvreté, l’endettement, les difficultés de paiement, le nombre de limiteurs de puissance et de clients protégés n’ont pas changé par rapport aux années précédentes. Nous constatons que le système de protection n’a malheureusement pas évolué. Il n’y a pas plus de fournisseurs sur le marché et les prix pourraient être plus bas si la concurrence jouait à plein. Cette stabilité n’est finalement pas une bonne chose …

Éric Mannes : En comparant les résultats des années précédentes, nous formulons plus ou moins les mêmes conclusions qui ne sont pas fondamentalement réjouissantes. En 2019, nous avons évoqué l’automatisation de la reconnaissance des clients protégés, ce qui pourrait être une bonne chose. Nous constatons enfin que le système de protection du consommateur bruxellois ne joue pas en faveur de la dynamique du marché de l’énergie.

Où en est-on avec le développement de la plateforme ATRIAS en 2019 ?

Pascal Misselyn : Durant cet exercice, le dossier ATRIAS a de nouveau été quelque peu chaotique. Nous avons assisté à des tensions assez vives entre les partenaires commerciaux qui développent la plateforme, notamment entre les gestionnaires de réseau et le développeur informatique. In fine, les acteurs sont parvenus à un accord et le projet a été relancé. Ils se sont promis d’aboutir à une solution technique fiable en septembre 2021. Certes, c’est encore un report … mais le bout du tunnel est en vue. Pour parvenir à cette solution, les concepteurs du projet ATRIAS ont dû faire l’impasse sur toute une série d’applications qui participent à la dynamique de la transition énergétique. Par contre, nous avons eu vent de développements parallèles qui pourraient répondre aux besoins des GRD dans ce domaine.

Comment s’est porté le marché des énergies renouvelables en 2019 ?

Éric Mannes : En 2019, c’est le coefficient multiplicateur qui a poussé les consommateurs à opter pour plus de panneaux photovoltaïques. Comme le retour sur investissements tournait plus autour de quatre ans que de sept ans - sept ans étant ce qui est prévu par l’Arrêté - les Bruxellois ont voulu profiter de cet effet d’aubaine. SIBELGA et BRUGEL ont donc vu arriver un nombre considérable de dossiers qu’il a fallu traiter. On ressent désormais qu’il y a une volonté du public bruxellois d’avancer dans la transition énergétique, notamment au niveau de l’intérêt porté aux véhicules électriques.

Pascal Misselyn : Nous constatons également qu’un nombre croissant de Bruxellois s’intéressent au développement des communautés d’énergie. BRUGEL et la Région de Bruxelles-Capitale ont dès lors une carte à jouer dans ce domaine. Le photovoltaïque classique était plutôt adapté aux habitations unifamiliales possédant une toiture individuelle. Pour favoriser le développement des installations photovoltaïques en RBC, nous devons désormais explorer la mise en pratique de solutions plus complexes, comme les immeubles à appartements dotés d’une grande toiture collective par exemple. Les concepts sont désormais mûrs pour avancer dans cette direction et les acteurs du secteur énergétique motivés pour les mettre en pratique.

Quelle a été votre stratégie opérationnelle en 2019 vis-à-vis des acteurs du secteur ?

Pascal Misselyn : En tant que régulateur, BRUGEL est un élément neutre au centre de l’échiquier, avec comme valeur fondamentale la transparence. Nous nous devons dès lors d’informer régulièrement via des outils adaptés (via l’open data régional), dialoguer et consulter toutes les parties prenantes. Comme les années précédentes, nous avons cultivé cette volonté de dialogue, en organisant notamment des consultations. En 2019, nous avons notamment proposé une formule innovante de consultation pour le plan d’investissement du GRD. Cette formule a été une nouveauté car jusqu’à présent, le plan d’investissement était discuté entre les gestionnaires de réseau (SIBLEGA et ELIA) et BRUGEL qui remettait un avis au Gouvernement. Cette année, l’ensemble des stakeholders ont été impliqués via une consultation organisée en juin 2019. La formule a rencontré un franc succès et nous avons pu bénéficier de nombreuses contributions. Nous sommes convaincus que ce type de procédure répond à un besoin car la transition énergétique va devoir impacter les investissements. Ces investissements ne seront plus simplement du « fit and forget » vu qu’ils seront nécessaires pour développer du service énergétique. Pensons aux bornes de véhicules électriques, au smart meter, à la flexibilité ou au stockage d’énergie. Toutes ces données devront figurer dans le plan d’investissement d’un projet.

Éric Mannes : La communication, le dialogue et les ateliers organisés avec les opérateurs sont autant de leviers qui feront avancer les choses. Dans cet esprit, le nouveau Conseil d’Administration (CA) de BRUGEL a une approche plus volontariste et pousse les équipes à proposer des initiatives innovantes. Ce CA veut être une force de proposition plus affirmée pour le secteur.

Le contrôle du prix de l’eau fait désormais pleinement partie des missions dévolue à BRUGEL en 2019. Quelles conclusions tirez-vous pour cet exercice ?

Éric Mannes : En 2019, les équipes de BRUGEL ont commencé par étudier le fonctionnement d’un secteur qui assure la production, la distribution et l’assainissement de l’eau. Ce sont des domaines très différents qui sont orchestrés de manière très particulière (et pas toujours très logique) par les deux opérateurs que sont VIVAQUA et la SBGE. En 2019, BRUGEL a instauré un système de régulation Cost + qui a poussé les deux opérateurs à la réflexion. VIVAQUA a développé, présenté et mis en place un plan stratégique VIVAnext très ambitieux. Ce plan propose une réorganisation des procédures mais également des mentalités au niveau de la société.

Au regard des conditions du secteur, BRUGEL a accepté l’indexation partielle du prix de l’eau. Le Conseil d’Administration de BRUGEL a validé la méthodologie tarifaire proposée par les équipes. Cette proposition a été présentée à VIVAQUA et à la SBGE et a également été envoyée aux différents conseils consultatifs. La méthodologie définitive sera approuvée au printemps 2020. Vivaqua et la SBGE pourront introduire une demande de nouveaux tarifs sur lesquels BRUGEL statuera pour fin 2020, et ce, pour une période de 6 ans. Compte tenu que le Gouvernement bruxellois souhaite instaurer un tarif social à terme, ce tarif pourra être sujet à modifications. Pour lutter contre la précarité hydrique, le Gouvernement souhaite en effet mettre en place une batterie de mécanismes de protection à l’attention des populations les plus fragilisées.

Quelle vision avez-vous mis en place pour votre contrôle de gestion ?

Pascal Misselyn : Si BRUGEL ne fait pas vraiment partie des premiers de classe en matière de contrôle de gestion, nous nous maintenons à un niveau honorable. Nous avons constitué des KPI (indicateurs de performance) et développé un tableau de bord pour monitorer toutes les activités de l’entreprise. Comme nous sommes une organisation en pleine croissance dotée de missions de plus en plus nombreuses et d’un personnel en constante augmentation, le contrôle de gestion n’est pas toujours facile à mettre en place. Nous espérons ainsi parvenir à une certaine stabilité et fonctionner avec plus de monitoring. Nous sommes contrôlés en amont par l’Inspection des finances et en aval par la Cour des comptes. Nous bénéficions d’une gestion transparente et nous faisons preuve d’une grande égalité de traitement, d’intégrité et de valeurs qui sont propres à notre personnel.

Quid du Conseil d’administration en 2019 ?

Éric Mannes : Le fonctionnement du CA fut loin d’être un long fleuve tranquille en 2019. Privé d’un président de plein exercice, il a vu deux de ses administrateurs se retirer pour des raisons d’incompatibilité. Pour disposer d’administrateurs très spécialisés dans les domaines de l’énergie et de l’eau, le Législateur a prévu que ceux-ci doivent réussir un examen oral et écrit de très haut niveau. Pour garantir l’indépendance du régulateur, une série d’incompatibilités figurent également dans l’Ordonnance. Fin 2019, les CA ont été assurés avec trois administrateurs sur cinq. Cette disposition a ainsi permis à BRUGEL de remplir pleinement son rôle pour les secteurs de l’énergie et de l’eau. En 2019, tout comme en 2018, BRUGEL a ainsi pu faire des propositions concrètes au Gouvernement pour réformer l’institution et la rendre plus opérationnelle.



Pascal Misselyn

Coordinateur de BRUGEL



Éric Mannès

Président ad interim de BRUGEL et Administrateur pour le secteur de l’eau





Comme les années précédentes, nous avons cultivé cette volonté de dialogue, en organisant notamment des consultations.

Pascal Misselyn





On ressent désormais qu’il y a une volonté du public bruxellois d’avancer dans la transition énergétique, notamment au niveau de l’intérêt porté aux véhicules électriques.

Éric Mannès